La coopération dans le domaine de la santé [vi]

La coopération française au Vietnam dans le domaine de la santé est une coopération ancienne et structurante qui occupe une place singulière notamment dans le domaine de la formation, de la recherche et des partenariats hospitalo-universitaires.

Elle est pilotée par le pôle santé du service de coopération et d’action culturelle (SCAC) de l’Ambassade de France à Hanoï, en étroite collaboration avec la Conseillère régionale en santé mondiale basée à Bangkok.

Depuis 1993, date de la signature de l’accord intergouvernemental de coopération dans le domaine de la santé, la France s’est très largement investie dans la formation pour répondre aux besoins exprimés par les institutions du Vietnam. Les liens créés ces trente dernières années, basés sur l’excellence et les transferts de compétences sont les vecteurs de très nombreux échanges dans le cadre de projets de coopération interuniversitaire et inter-hospitalière qui visent à accompagner le système de santé vietnamien dans ses profondes mutations.

Modalités d’intervention de la coopération française dans le domaine de la santé au Vietnam

La coopération dans le domaine de la santé se décline selon plusieurs modalités :

L’accueil de médecins vietnamiens francophones dans les hôpitaux français

La coopération française propose l’accueil de médecins vietnamiens francophones dans les hôpitaux français. Cette formation s’est déroulée jusqu’en 2009 dans le cadre du programme FFI (« Faisant Fonction d’Interne »), transformé depuis 2010 en programme DFMS/DFMSA (« Diplôme de Formation Médicale Spécialisée/Approfondie »). Cette politique a permis de former environ 3000 médecins et a remodelé le monde médical vietnamien en développant un corps de spécialistes francophones constituant une part importante de l’élite hospitalière et universitaire actuelle.

La formation médicale postuniversitaire au Vietnam de spécialité

Parallèlement, le pôle santé de l’Ambassade de France soutient un programme de formation post universitaire dispensé dans les principales facultés de médecine et de pharmacie (Hanoi, Ho Chi Minh Ville, Hue, Hai Phong), par des enseignants français et vietnamiens, pouvant aboutir à la validation d’un diplôme interuniversitaire (DIU) délivré dans le cadre de conventions entre les universités françaises et vietnamiennes organisatrices. Chaque année, environ 1500 professionnels de santé vietnamiens (médecins, pharmaciens, dentistes, infirmiers,…) bénéficient de ces enseignements (entre 50 et 80 enseignants mobilisés) dans le cadre d’une vingtaine d’enseignements post universitaires. Les objectifs pédagogiques sont définis par les deux coordinateurs de chaque pays et sont adaptés aux enjeux de santé publique. Par ailleurs, dans le cadre de son programme de bourses d’excellence, l’Ambassade de France au Vietnam a financé ces quinze dernières années la formation de nombreux étudiants dans le domaine des sciences médicales et pharmaceutiques (Master et Doctorat), dont 20 Doctorats et 34 Master 2 entre 2013 et 2022.

La coopération inter-hospitalière

Les coopérations inter hospitalières concernent une vingtaine d’établissements de santé français (entre autres, Strasbourg, Rouen, Bordeaux, Toulouse, Limoges, Poitiers, Nice, Paris, Lyon). Elles offrent un cadre d’échange, de formation et de transfert de compétences et sont le plus souvent formalisées par un accord bilatéral entre hôpitaux français et vietnamien. Il peut s’agir de financements propres de l’établissement ou bien issus du Ministère de la santé et de prévention par un appel à projets annuel piloté par la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS).

La recherche scientifique

L’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), le Centre de coopération International en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD), le Réseau International des Instituts Pasteur, l’Agence Nationale de Recherche sur le Sida et les Hépatites virales (ANRS) sont très impliqués au Vietnam dans la mise en place de projets nationaux et régionaux associant recherche et formation. Les problématiques majeures de santé publique sont abordées, en particulier dans la surveillance, l’investigation et le contrôle des épidémies (maladies émergentes /grippe aviaire) en Asie du Sud-Est.

La coopération multilatérale dans le domaine de la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme

La France, par son soutien financier au Fonds mondial de lutte contre le VIH /SIDA, la Tuberculose et le Paludisme (deuxième contributeur historique), est l’un des pays les plus engagés au monde dans la lutte contre ces trois maladies. Pour soutenir une approche qualitative à fort impact de l’accès à la prévention, au dépistage et aux soins pour tous, le Fonds mondial a financé depuis 2004 à hauteur de 605 millions USD des programmes de lutte contre le VIH, la tuberculose, le paludisme et pour des systèmes de santé résilients et durables (RSSH) au Vietnam.
Depuis juin 2014, la France siège aux côtés des partenaires internationaux et acteurs vietnamiens (institutionnels et représentants de la société civile) à l’Instance de Coordination Nationale (CCM) chargée de valider les orientations stratégiques ainsi que de superviser la bonne utilisation des fonds mis à disposition des programmes nationaux.

La France finance également, via « L’Initiative », contribution indirecte au FM mise en œuvre par Expertise France, assistance technique et projets pour mieux accéder et mettre en œuvre les financements du Fonds mondial. Actuellement, au Vietnam, L’Initiative apporte déjà son soutien à la coordination des acteurs locaux engagés dans la lutte contre les 3 pandémies en déployant plusieurs assistances techniques mais également en finançant des projets pour près de 4 millions d’euro : i) à destination des populations vulnérables via la prévention du VIH auprès des usagers de drogue au Vietnam ; ii) de renforcement des systèmes de santé en appuyant la planification des ressources humaines en charge de la lutte contre la VIH ; iii) de recherche opérationnelle visant à améliorer le dépistage, la prévention et le traitement de la tuberculose notamment grâce à l’approche communautaire.

Historique de la coopération bilatérale

Le XIXe siècle a vu naître les premières relations entre la Médecine française et la Médecine vietnamienne. Le premier accord de coopération, conclu dans les années 1880, portait sur la mise en place à Hanoi d’un « Brevet d’enseignement aux techniques médicales » permettant aux jeunes praticiens vietnamiens de s’initier à la Médecine française en général et à la vaccination, à la petite chirurgie et à l’ophtalmologie en particulier.

Le Vietnam est devenu le théâtre du développement de la vaccination et de la recherche biomédicale, avec l’ouverture en 1890 du premier Institut Pasteur d’outre-mer à Saigon, puis de l’Institut Pasteur de Nha Trang et de celui de Hanoi. Ces instituts contribuèrent à l’essor des disciplines de l’épidémiologie, de la santé publique et de la médecine tropicale. Le développement des techniques de radiographie et de radiothérapie se manifesta avec la création dans les années 20 de l’Institut du Radium de l’Indochine.

Alexandre Yersin - JPEG

Au début du vingtième siècle, en 1902, fut créé à Hanoi le Collège de Médecine de l’Indochine, dirigé par Alexandre Yersin qui jeta les bases de la formation universitaire dans le secteur de la santé. L’Ecole de Médecine de Saigon, branche du Collège de Médecine de Hanoi, ouvrit ses portes en 1947

Pendant les années de guerre, médecins français et vietnamiens sont restés en contact étroit et l’enseignement de la médecine française a perduré. De nombreux médecins vietnamiens issus de la formation française ont été étroitement liés à la lutte pour l’indépendance du Vietnam, comme le Doyen Ho Dac Di, qui effectua en 1945 la première rentrée universitaire de la faculté de médecine dans le maquis, le Professeur Ton That Tung, chirurgien diplômé en 1937 qui installa à partir de 1946 des hôpitaux de campagne mobiles, ainsi que le Professeur Nguyen Van Huong, chef de laboratoire de l’Institut Pasteur de Saigon qui fabriqua des vaccins dans le maquis et devint Ministre de la Santé en 1968.

Dès 1984, les ébauches de la coopération franco-vietnamienne dans le domaine de la santé ont été tracées avec l’accueil de jeunes spécialistes vietnamiens dans les hôpitaux français en tant que faisant fonction d’internes (FFI). Une coopération plus complète et aux objectifs clairement définis s’est progressivement mise en place pour aboutir à la signature, le 10 février 1993, d’accords intergouvernementaux dans le domaine de la santé. Depuis lors, de nombreux programmes de coopération ont vu le jour et se sont développés en fonction des besoins de la communauté médicale et de la population vietnamienne.

Zoom sur l’Institut du Coeur de Ho Chi Minh-Ville

En 1989, à l’invitation du Dr Duong Quang Trung, alors directeur du service de la santé de Ho Chi Minh-Ville, le professeur Carpentier décide d’aider au montage de la première structure capable de pratiquer la chirurgie cardiaque au Vietnam.

Un modèle unique est créé, semi-public puisque les locaux sont fournis par la ville d’Ho Chi Minh alors que la fondation Carpentier finance l’équipement médical et surtout la formation des équipes locales. Des équipes de médecins /chirurgiens vietnamiens sont envoyées en France pour recevoir une formation, et des équipes françaises sont dépêchées sur place. Aujourd’hui, la quasi-totalité de l’équipe médicale de l’Institut du Cœur a bénéficié d’une formation en France, pour la plupart grâce au programme français FFI (Faisant Fonction d’Interne, aujourd’hui DFMS/A).

Depuis son entrée en activité en 1992, on estime à 100 000 le nombre de patients traités. 24 500 patients, enfants et jeunes adultes pour la plupart, ont été opérés et 225 000 personnes sont suivies en consultation chaque année. Toutefois ce chiffre ne permet pas de drainer l’afflux de malades, la liste d’attente pour les patients nécessitant une opération cardiaque est de plus de deux ans.

L’Institut du Cœur de Ho Chi Minh-Ville a été conçu pour être un hôpital à but non lucratif. Chaque année, environ 30% des opérations sont financées par la fondation Carpentier et bénéficient à des patients en situation d’indigence. La fondation tire ses revenus du Centre Médical International (CMI), un centre de soins implanté au sein du Pôle France Santé du Consulat général de France à Ho Chi Minh-Ville et qui reverse l’ensemble de ses bénéfices à l’Institut du Cœur.

Si l’Institut du Cœur a été le premier établissement à pratiquer les opérations à cœur ouvert, il a par la suite contribué au transfert de connaissances au Vietnam, en formant des cardiologues d’hôpitaux du Vietnam.

C’est également un modèle de développement Sud/Sud, puisque des médecins d’autres pays, comme le Cambodge ou le Sénégal viennent se former à l’Institut.

Zoom sur « Une Seule Santé »

Le Vietnam se situe dans l’une des régions les plus riches en espèces animales et végétales endémiques. La promotion de l’approche « Une Seule Santé » constitue l’un des axes majeurs développés par le pays à l’échelle de la région Asie du Sud-Est, en vue de renforcer ses capacités de prévention et de riposte aux maladies d’origine animale.

En témoigne l’engagement du pays auprès de l’Initiative PREZODE (« Preventing Zoonotic Disease Emergence » lancée lors du One Planet Summit en 2021, après avoir été initiée par 3 instituts de recherche français : CIRAD, IRD, INRAE. La déclaration d’intention a été signée par le gouvernement vietnamien, plusieurs facultés et centres de recherches vietnamiens.

Le pays a également lancé la deuxième phase du « Vietnam One Health Partnership for Zoonoses » pour la période 2021-2025, qui associe plus de 20 partenaires, dont la France. Cette initiative vise à minimiser les risques d’émergence d’agents pathogènes zoonotiques, réduire la résistance aux antimicrobiens et renforcer le contrôle des facteurs environnementaux ayant un impact sur la santé humaine.

Au titre de la coopération française, le Vietnam bénéficie d’une dynamique régionale forte grâce notamment aux projets :
ECOMORE (ECOnomic development, ECOsystem MOdifications, and emerging infectious diseases Risk Evaluation), financé par l’Agence Française de Développement (AFD) qui vise à améliorer la mesure des risques liés aux maladies émergentes et à renforcer des laboratoires tout en favorisant une coopération à l’échelle nationale et régionale ;
Le FSPI « One Health in Practice in South East Asia », mis en œuvre avec le CIRAD et l’IRD, pour le renforcement des capacités de surveillance, de prévision et de réponse aux épidémies émergentes des pays de la région, grâce à des formations sur l’approche « Une Seule Santé » ;
• Le FSPI « BIG » qui vise à renforcer la biosécurité de la filière porcine.

publié le 09/03/2023

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